Joseph POISLE-DESGRANGES
— Ah ! Combien tu m’es cher, combien tu m’es utile !
Disait un jour un citadin.
Au parapluie humble et docile
Qui l’abritait dans le chemin.
Sans toi, j’eusse gardé le logis ce malin,
Ou reçu sur le dos cette averse qui tombe.
J’eusse gâté tous mes effets ;
J’eusse gagné du rhume et peut-être la tombe.
Tandis qu’en ce moment je ressens tes bienfaits.
Va ! Je ne t’oublierai jamais.
Bientôt le temps est calme et nul ne le redoute ;
Le citadin rentre chez lui.
Il change de chaussure et délaissant celui
Que naguère il avait vanté durant la roule,
Il prend certain bambou qui s’offre par hasard.
— Maître, s’écrie alors le dévoué riflard,
Permettez qu’avec vous je sorte Et ne bravez pas l’horizon.
— Merci, dit une voix, puis on ferme la porte.
— M’abandonner ainsi ! Quelle en est la raison ?
Nous verrons si demain il agira de même.
Le jour suivant, il ne tomba point d’eau.
L’homme reprit sa canne, et comme il faisait beau
II en fit autant le troisième.
Pour le coup, mons Riflard ne peut se contenir;
De son service il craint qu’on perde souvenir
Et se fâchant : Hélas ! Ce n’est plus moi qu’on aime,
Car on préfère ce bambou.
La canne lui dit : Pauvre fou.
Ton aveuglement est extrême
De croire bonnement qu’on ne songe qu’à toi.
N’as-tu pas aperçu le soleil qui rayonne ?
Que ferait-on de ta lourde personne
Sous un beau ciel d’été ? Tu t’égares, crois-moi,
Et seule j’ai le droit d’aller en promenade ;
Mais, en tout cas, mon camarade,
Apprends, et cet avis me perd :
Qu’on n’estime les gens qu’autant que l’on s’en sert,
“La Canne et le Parapluie”