Jean-Charles de Relongue de La Louptière
Sur la fin de l’hiver vivait une alouette,
Vrai modèle d’instinct et de vivacité,
Jeune surtout et fort bien faite,
Par conséquent pleine de vanité.
On la voyait dans les campagnes
Se rengorger, se panacher,
D’elle-même s’amouracher.
Allait-elle avec ses compagnes,
Ce n’était que pour s’assurer
Qu’elle valait beaucoup mieux qu’elles,
Et les contraindre d’admirer
Quelques gentillesses nouvelles.
Elle se disait quelquefois:
-— Je vaux, où l’on m’a bien trompée,
L’alouette la mieux huppée.
Il n’est pas un oiseau dans nos champs, dans nos bois,
Qui ne s’honorât de mon choix;
Mais, après tout, suis-je donc faite
Avec tant d’agréments pour le bonheur d’un seul?
Et quel mal est-ce au fond que d’être un peu coquette ?
Dans le creux de quelque tilleul
Une vieille mésange, au déclin de sa vie,
En aura fait un crime, et cela par envie.
Nous avons toutes bonnement
Reçu pour loi ce radotage;
Mais enfin je ne suis pas d’âge
A penser ridiculement.
Tandis qu’elle tient ce langage,
Elle voit dans un champ reluire son image :
Un miroir faisant cet effet
Dérobait à ses yeux un dangereux filet.
Un jeune enfant la guettait au passage:
La voilà toutefois qui s’élève en chantant,
S’abaisse par degrés, plane avec complaisance,
Se retourne à chaque distance,
Se trouve au moindre mouvement
Plus belle encor qu’auparavant;
Tant qu’à la fin, s’abattant sur la glace,
Dans le piège elle s’embarrasse,
Ivre du plaisir de se voir.
Que de jeunes beautés l’Amour prend au miroir !
“La Chasse au miroir”