Daniel Allemand
Fabuliste contemporain – La chouette et le coq
Un coq altier, à la rouge crête dentée
Estait en justice contre dame chouette
Alléguant l’entourloupe de leurs entités
Emblématiques de sagesse et girouette.
Par ces veilleurs emplumés de midi minuit
S’opposaient le soleil à la belle de nuit.
Le requérant envers l’assignée, courroucé
Et la crête en bataille argua pour finasser :
« C’est qu’elle effraie la nuit
De ses yeux ronds brillants
Et son cri fait du bruit
Comme le chat-huant.
Sorcière qui ripaille
Au jour met la pagaille.»
L’opposante d’un haut-le-cœur
Tourna son cou flexible,
Son visage en forme de cœur
Scintilla quand elle prit le chapon pour cible.
Toute son allure élégante
Annonçait déjà une défense brillante.
« Quoi ? Vous osez, dit-elle apprendre à nous instruire,
Lorsque vos combats ne cherchent qu’à détruire !
N’êtes-vous pas chanteur ? Et vos cocoricos
Outre leur glas bruyant ne font pas le fricot !
Vous le coq ne vous en déplaise
Dédaignant vos tristes fadaises
Ne voyait l’harmonie des rayons du soleil
De la lune étoilée les reflets tout pareils.
Ce qui existe à son contraire
Grâce à l’Auteur de l’Univers.
Comme pour le jour et la nuit
Vous êtes beau, on me dit laide
Je suis timide, ça ennuie
Vous êtes criard ça se plaide
Au jour vous exhibez vos tâches
Lorsque le soir, moi je me cache
Évoquant lumière pour seule vérité
Et mes ténèbres pour mensonge d’acuité.
Si on se lève au chant du coq
Et l’on se couche comme les poules
C’est pour apprécier l’instant choc
Ardeur à en perdre la boule
Tant pour la flambante aurore que vous chantez
Que pour le doux crépuscule que je chuinte,
Bien plus beaux que le jour et la nuit enchantés
Qui par évidence mettent fin à la plainte. »
Sa raison plut, et sembla bonne
Que le coq en resta aphone.
Las, débouté de sa requête
Notre ergoteur baissa la tête
Alors la chouette blanche déploya ses ailes
S’en retournant libre et lavée de tout libelle
Et dans un vol silencieux
Bientôt disparut dans les cieux
Laissant au coq la girouette pour espoir
Gardant pour elle sagesse sur son perchoir.
Elle en verrait bien d’autres
Quand l’enfer c’est les autres
Y compris dans le monde animal.
Gardons-nous de ne voir que le bien ou le mal.
Daniel Allemand
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