Pierre Doré
Fabuliste XIXº – La Cigale et la Fourmi
Air : La bonne aventure au gué.
La cigale en la moisson,
Sans soin du ménage,
Fredonne mainte chanson,
Laisse là l’ouvrage ;
Mais quand l’hiver fut venu,
Son grenier fut dépourvu.
La triste aventure, hélas !
La triste aventure.
Elle vient chez la fourmi,
Sa proche voisine,
En s’y traînant à demi
Pour crier famine ;
Commère, à vous j’ai recours,
Donnez-moi quelque secours :
Voyez ma misère, hélas !
Voyez ma misère.
Prêtez-moi pour subsister
Du moins quelque graine,
Je promets de m’acquitter
La saison prochaine :
Je paîrai, foi d’animal,
Intérêt et principal :
Oui, je vous le jure au gué,
Oui, je vous le jure.
La vigilante fourmi
Qui n’est pas prêteuse,
Répondit bien vite ainsi
A cette emprunteuse :
Pour vous trouver en défaut,
Qu’avez-vous fait au temps chaud ?
Dites-moi, ma chère, au gué,
Dites-moi, ma chère.
Dans tout le cours de l’été,
Ma bonne commère,
A tout venant j’ai chanté,
Jour et nuit entière.
Vous chantiez à tout venant,
Eh bien, dansez maintenant
Une belle danse, au gué,
Une belle danse.
Ainsi toujours le mépris
Reste à la paresse ;
Mais le travail a son prix,
Il vaut la richesse ;
Pour écarter le besoin,
Prenez d’abord peine et soin,
C’est la marche sûre, au gué,
C’est la marche sûre.
A l’ouvrage appliquez-vous
Durant la jeunesse ;
Le repos en est plus doux
Pendant la vieillesse ;
Au travail le meilleur temps,
Aux plaisirs de courts instans,
C’est la règle sage, au gué,
C’est la règle sage.
Pierre Doré