Une citrouille et quelques potirons
Avaient poussé par aventure
Sur une couche de melons.
Trouvant là grasse nourriture,
D’un soleil bienfaisant à la douce chaleur,
La citrouille prenait tous les jours plus d’ampleur;
Sa vanité gonflait de même.
Aux melons donc tournant le dos,
Au plus près potiron elle adresse ces mots :
— Vraiment ma surprise est extrême
Qu’à côté de gens comme nous
On ait placé des gens de cette espèce,
Qui sont maigres, chétifs, qui sentent la détresse,
Et portent en naissant des signes de vieillesse.
Voyez donc ces melons; comment les trouvez-vous,
Avec leur peau ridée et couverte de trous.
Leur teint vert, leur côte profonde?
Ne pourrait-on pas mieux appareiller son monde ? —
A ce propos, le potiron,
D’esprit comme de corps tout rond,
Ne voulant pas la contredire,
Se met simplement à sourire.
C’est ainsi que les sots répondent sans rien dire.
Un cantaloup lui dit d’un ton railleur :
— Madame, un peu de modestie
Conviendrait à votre grandeur.
Vous avez le teint frais et la peau bien unie,
Vous êtes grosse et grasse, et vous le portez beau;
C’est vrai, madame, mais vous ne sentez que l’eau ;
Et votre chair qui si fort se dilate
Que votre ceinture en éclate,
Veuillez l’entendre sans humeur,
Est complètement sans saveur
Pour une bouche délicate.
Ce n’est donc pas à la grosseur
Que l’on doit de chacun mesurer la valeur;
Et, pour finir, je doute, excusez ma rudesse,
Qu’un gourmet au melon préfère votre altesse. —
“La Citrouille, le Potiron et le Melon”