Un architecte, élève du Bramante,
D’un temple avait posé les fondements.
Déjà se dessinait la structure savante
Du plus noble des monuments.
Des deux côtés, en avant se projette,
Sur les piliers assis, un arc majestueux :
Du temple il va former le faîte.
Ainsi dans nos forêts un chêne vigoureux
D’un cintre de feuillage ombrage notre tête.
Cependant l’arc, dans les airs suspendu,
Cesse d’être d’à-plomb, et sa coupe élégante
D’une hardiesse imprudente
Semble accuser l’artiste en ses plans confondu.
Que faire, des étais quand l’appui nécessaire
Devra se dégager, pour qu’au peuple empressé
Puisse s’ouvrir l’accès du sanctuaire ?
L’édifice naissant, sous son poids affaissé,
Avant d’être achevé va crouler en ruine.
Mais non… voici de l’art un prodige nouveau !
Sans changer de dessin, l’ouvrage se termine ;
Sans étais le pilier soutiendra son fardeau.
Les deux arcs opposés, en poursuivant leur route,
Par un heureux instinct l’un vers l’autre attirés,
Au sommet se sont rencontrés ;
Ils n’en forment plus qu’un, ils ont créé la voûte,
Imitant la forme qu’aux cieux
Une tente d’azur développe à nos yeux.
A l’arc qui lui répond l’arc suspendu s’allie ;
D’un mutuel secours l’appui leur est prêté ;
Une clef les unit, la plus belle harmonie
Se déploie à l’œil enchanté,
Et le temple élevé par la main du génie
Pourra braver les temps par sa solidité.
L’architecte, c’est la nature.
Deux frères sont les arcs l’un vers l’autre inclinés ;
Une amitié fidèle et pure
Est la clef qui les tient à jamais enchaînés.
Oh ! que de la vertu l’éternel sanctuaire
Reçoive un si bel ornement !
Que vers le ciel leur union prospère
Elève aussi son monument !
“La Clef de la voûte”