L’aigle, pour terminer une importante affaire,
Présidoit au conseil, où jusqu’aux plus petits,
Tout volatile étoit admis.
On s’assemble ; bientôt l’on en vient aux avis :
Et l’oiseau de Junon, le paon à l’humeur fière,
Au beau plumage, alors se rengorgeant,
Fit de nouveau voir, en jugeant,
Que la main de la Providence
A réparti ses dons avec un soin égal,
Et n’a pas rassemblé sur un seul animal
Les grâces, la beauté, l’esprit et l’éloquence.
Ce que sa vanité dicta
Le perroquet le répéta ;
Et la linotte à la tête légère,
Qui n’avoit pu suivre l’affaire,
Crut bien juger en répondant
Qu’elle opinoit comme le précédent.
Alors sa majesté, sans plus long intervalle,
Voyant que tous étoient du même sentiment,
Pour confirmer le jugement
Alloit joindre sa voix à la voix générale :
Un moineau franc, sans être interrogé,
Cria de loin qu’on avoit mal jugé,
Qu’on alloit faire une sottise ;
Ce qu’il prouva par un discours sensé.
On lui sut gré de sa franchise ;
Il fut même récompensé.
Rois, princes, souverains, empereurs et despotes,
Voulez-vous avec gloire occuper ce haut rang ?
Parmi vos perroquets, vos paons et vos linottes,
Ayez toujours un moineau franc.
“La Cour de l’Aigle”