Juste milieu que l’on ignore,
Qu’en tout la raison a placé,
Tel depuis long-temps t’a passé
Qui pour t’attraper court encore.
Trois chevaux forts, et souples du jarret,
De taille égale et de même encolure,
Ensemble un jour firent une gageure
A qui plutôt au but arriveroit.
Il étoit loin ; mais ils étoient agiles,
Et se flattoient, par des moyens divers,
De parcourir le plutôt trente milles :
Deux cependant s’y prirent de travers.
Impatient, l’un hennit et s’agite,
Et sans laisser la trace de ses pas,
Au signal tout-à-coup il s’échappe au plus vite ;
Le second part au trot, et le troisième au pas.
Celui-ci prétendoit qu’en restant en arrière,
Il les auroit incontinent trouvés
Sur le chemin fatigués ou crevés ;
Et toujours à son pas poursuivoit sa carrière.
Pour le second, qui ne partit qu’au trot,
Il alla loin sans joindre son confrère,
Et cependant ne se pressa pas trop :
Il savoit bien que l’excès est contraire.
Enfin, enfin, ayant long-temps couru,
Il le trouva de fatigue abattu,
Languissamment étendu sur la terre.
Notre essoufflé l’entend, reprend vigueur ;
Mais il ne peut rejoindre le trotteur,
Qui jusqu’au bout conserva son allure,
Toucha le but, et gagna la gageure.
L’heureux vainqueur, par son succès,
Leur prouva ce trait de morale :
Qu’il faut savoir tenir entre les deux excès
Le milieu le plus juste et la balance égale.
“La course des Chevaux”