Catherine Thévenet
Poète – Fables contemporaines – La Dame et les deux Mantes
Quand octobre survient
Avecque ses matins humides et brumeux,
Ses soleils capricieux et ses ors somptueux,
Les Mantes frissonnantes recherchent la tiédeur
Des maisons où crépite un foyer plein d’ardeur.
Et c’est ce qu’il advint
A la Mante pesante aux trois centaines d’œufs,
Promesse d’héritiers et de printemps heureux.
Elle trouva accueil en une maison forte
Au seuil d’une cuisine et la Maîtresse accorte
Lui offrit un doux havre en un pot de cristal,
Orienté aux rayons d’un soleil automnal.
La Mante jubilait
D’avoir été élue, d’être ainsi admirée
Pour ses grands yeux ardents, ses pattes acérées.
Or il ne dure point
Le temps des préférés et l’Hôte, en bonne mère,
Donna bientôt asile à une congénère.
La première attitrée fut en proie à l’envie,
Sa nouvelle compagne devint son ennemie.
« Que faites-vous ici – dit-elle à l’importune –
C’est moi que Madame aime, je suis la seule et l’une ! »
Dressant ses mandibules, ses vibrantes sensilles,
Ses pattes antérieures effilées en faucille,
Dans le champ clos du lieu, la femelle jalouse
Se jette sur l’intruse : voilà qu’elles en décousent !
Acharnée à tuer, elle coupe, elle hache, cisaille et décapite
Celle qui aspirait à être favorite.
La tête a disparu qui plaisait à l’Hôtesse,
Dévorée toute crue par la verte tigresse :
De la belle n’est plus qu’un tronc mort mutilé,
Pattes déchiquetées et ailes arrachées.
Sans scrupules ni honte et sans remords aucun,
La Mante victorieuse rit à son suzerain.
Moralité
La faveur d’un monarque est toujours exclusive ;
Elle ne tolérera ni ami ni rival.
Quand on veut la garder, foin de bel idéal !
La lutte est sans merci, il faut que mort s’ensuive.
Fable librement inspirée par la présence de deux mantes dans un saladier de verre.
23 octobre 2015 – Blog