Un pauvre Egyptien, sur un champ affermé,
A grand’ peine vivoit de maïs et de fèves.
Un jour cet homme vit des fours de Béhermé
Conduire au marché les élèves :
Des pintades, des canetons,
Et des poulets, et des oisons.
On les y vendoit par centaines.
Chaque étuve en produit des milliers à la fois.
« Ne pourrois-je avoir part à de telles aubaines ?
Se dit notre manant ; l’argile sous mes doigts
» Saura bien se mouler en briques ;
» Le soleil va les cuire, et je construis mon four.
» De fiente de chameau je ramasse en un jour
» De quoi charger quatre bourriques.
» Il faut, crèvent les envieux !
» Que ma couvée au printemps soit éclose.
» Rien ne manque à mon train , tel que je le dispose. »
Il n’y manquoit vraiment, au temps dit, que des œufs.
Ce malheureux fermier n’avoit ni sou ni maille ;
Point de crédit, tant il est gueux !
Et chez lui pas une volaille.
Mais un expédient qui s’offre à son esprit
Rassurant le nigaud , supplée au déficit.
Il lui falloit des œufs : en des nids s’il en trouve
Il les prend, quel que soit l’oiseau qui les y couve ;
Gros, petits, frais pondus, ou couvés, tout lui sert.
II déterre encor ceux qu’aux sables du désert
La chaleur du climat lentement vivifie,
Et ceux qu’aux bords du Nil mainte race amphibie
Déposa sur un sol que sa vase a couvert :
Œufs de lézards et de reptiles,
Et d’aspics et de crocodiles.
Le rustre en a sa charge, et bientôt de son four
Chaque couche est remplie, et la porte scellée.
Venons au résultat. Marchandise raclée,
Ces œufs ne mirent pas tous leurs Poussins au jour ;
Mais il en vint assez de qui l’engeance immonde
A quatre milles à la ronde
Infesta les champs d’alentour.
À l’abri de mœurs dépravées,
L’indigne abus de l’art à Mayence inventé,
Fait éclore et partout voler en liberté
De plus dangereuses couvées.
“La Couvée”