« Hélas ! Je dois mourir au matin de mes jours,
Quand brille le soleil, quand le printemps commence ;
Sans en avoir joui je sors de l’existence,
Et je quitte l’objet de mes jeunes amours,
Le timide arbrisseau dont j’étais l’espérance ! »
Exhalant ainsi sa douleur
Se lamentait la blanche fleur
An tronc de l’amandier par l’orage arrachée.
Emportée avec elle au caprice des vents,
Et par leur souffle détachée
Du chêne où les frimas l’oublièrent longtemps,
Une feuille lui dit : « N’accuse point l’orage
Qui t’épargne les maux, compagnons des vieux jours :
Mieux vaut mourir en ton jeune âge.
Si le Ciel de ta vie eût prolongé le cours,
Le temps, dans sa course fatale,
Eût détruit, pauvre fleur, ta beauté virginale,
Et quelque ver caché dans le fond de ton cœur
De ton calice pur eût souillé la blancheur.
Mais tu n’as pas connu, mourant à peine éclose,
Ni l’outrage du temps, qui flétrit toute chose,
Ni les tourments du ver rongeur :
Et tu t’éloignes de la terre
Sans avoir rien perdu de ta fraîche senteur,
Emportant avec toi ta beauté tout entière. »
Et semblable à la jeune fleur
Par sa rapide destinée,
L’enfant à qui la mort en naissant fut donnée
Conserve tous les biens qu’il reçut du Seigneur.
Aux douleurs de la vie arraché dès l’aurore,
Il délaisse la terre et ses bruits importuns,
Et loin du monde qu’il ignore
Son âme, pure et vierge encore,
Fuit et s’envole au ciel avec tous ses parfums.
“La Feuille et la Fleur”
Commentaires sur la fable par l’Abbé O. Meurisse :
Cette fable est une élégante et poétique amplification de ces paroles de la sainte Écriture, parlant de la mort du Juste enlevé à la fleur de l’âge : Raptus est, ne malitia mutaret intellectum ejus, aut ne fictio deciperet animam illius. (Sag. IV, 11.) Il a été enlevé, de peur que la malice des impies ne corrompît son intelligence ou que les apparences trompeuses ne séduisissent son âme.
— Sublime consolation donnée au cœur des mères qui pleurent auprès d’un berceau vide.