Déjà dans son printemps , sur le choix d’un mari
Une fille rêvait ; point de mal jusqu’ici ;
Mais ce qui gâte, un peu l’affaire,
C’est que la Donzelle était fière.
Ses vœux vont le prouver : il faut que mon mari ,
Soit de la première jeunesse ;
Je veux qu’il ait de la beauté ,
De l’esprit et de la richesse,
Un rang et des cordons ; j’y tiens , en vérité.
Je veux enfin … la belle était fort exigeante ,
Que mon mari possède tout.
Tout ! … la prétention était extravagante ;
Le plus entreprenant n’en viendrait pas à bout.
Il serait taxé de folie.
De plus, et remarquez ceci :
La belle voulait bien permettre à son mari
Beaucoup d’amour , mais point de jalousie !
Chose étrange pourtant !.,. C’est que de soupirants
Des plus huppés et de tous rangs
La nymphe eut le bonheur de se voir assaillie.
Par malheur elle était difficile en son choix.
C’eût été pour toute autre une heureuse fortune ;
Mais ici son orgueil n’en croit trouver aucune.
Fi-donc, dit-elle, on n’est pas plus bourgeois !
Celui-ci n’a nul rang, l’autre pas une croix.
Comment se décider pour de telles espèces ?
L’un possède un beau nom, mais où sont ses richesses?
Ou quels sont ses emplois ?
On a d’affreux sourcils, ou bien le nez trop large.
L’un était par trop mal, l’autre n’était pas bien.
Aucun d’eux à son cœur enfin ne disait rien.
Les galants se voyant à charge ,
Firent leur révérence et prirent leur parti.
Un an se passe, un autre encore,
Tout espoir paraissait pour elle anéanti.
A la fin , de nouveau l’on soupire , on l’adore ;
Mais les amants étaient d’un moyen acabit.
Ceux-là, ma foi, sont bien bonasses.
Dit-elle alors avec dépit.
C’est pour ces beaux messieurs que
Ton aura des grâces !
Oui vraiment, ils me font pitié,
Et je ne conçois rien, d’honneur, à ces délires !
Avant eux j’ai congédié,
Sans me vanter, bien d’autres sires.
Sont-ce là des maris pour moi?
On dirait que de l’hyménée
Je brûle de subir la loi ?
Rien ne presse , et n’en suis nullement chagrinée.
Non, je ne trouve aucuns dégoûts
Au bienheureux état de fille.
La nuit, mon sommeil est fort doux ,
Le jour , je suis gaie et tranquille.
11 serait donc inconvenant
D’aller me jeter à la tête
De quelque langoureux amant.
Donc, ce nouvel essaim battit aussi retraite.
Les amours informés de ces nombreux refus ,
Dès-lors ne reparurent plus.
Un an se passe,
Et pas d’amant.
Encore une autre année, une autre la remplace 9
Et pas ombre de soupirant.
Déjà notre belle princesse,
Hélas ! commençait à mûrir ;
Des compagnes de sa jeunesse
Elle faisait le compte , et poussait un soupir ! . . .
Pour les compter, la belle avait bien du loisir.
Depuis long-tems , long-tems l’une était mariée,
Une autre par l’hymen allait être liée ,
Pour elle, elle semblait être mise en oubli.
L’ennui, le sombre ennui se glisse dans son âme.
Bientôt, son plus sincère ami,
Son miroir, dénonça chaque jour à la darne ,
Pour surcroît de souci,
Du temps, à ses attraits, quelque nouvel outrage.
De ses yeux que devient l’éclat?
Que deviennent de son visage
Les lys et le tendre incarnat ?
Le temps en a comblé l’une et l’autre fossette.
Les jeux , les ris, hélas ! sont en pleine retraite.
Chaque jour elle perd de sa vivacité,
Pour elle, il n’est plus de gaîté.
Enfin, Dieu me pardonne,
Mais il faut dire tout,
La pauvrette grisonne ;
C’était malheur partout.
Triomphante naguère et d’hommages comblée ,
Sa cour faisait l’éclat de toute une assemblée ;
Mais à présent…. grands Dieux !….on l’isole au boston.
Son orgueil a changé de ton,
Et la raison lui dit que d’un prompt mariage
Le parti serait le plus sage.
Le sexe en vain nous brusque ;
auprès de lui le cœur,
En tapinois toujours parle en notre faveur.
Elle cessa donc d’être fière.
Craignant de rester fille, enfin elle épousa
Le premier qui se proposa.
Ce n’était plus le temps de faire la sévère ,
Et ce fut encor trop heureux
Qu’elle ait pu trouver un boiteux.
“La Fille à Marier “