Louison ma toute belle,
Donne, donne moi ta foi;
Promets de m’être fidèle
Oncque n’aimerai que toi.
Ainsi parlait à sa blonde,
Tout en lui serrant la main,
Le jeune et bouillant Sylvain,
Dont le cœur était plus plein
Que la bourse n’était ronde.
La Fortune l’entendit
Et rit. Petit sot, va ! se dit-elle,
Tu trahiras tes serments !
Rien qu’à voir ton escarcelle
Je m’aperrois que tu mens.
La déesse tracassière
Prend aussitôt le maintien
D’une vieille douairière
Riche en laideur comme en bien:
Beau Sylvain ! dit-elle ensuite
A l’amant de Louison,
La beauté s’efface vite
Elle n’a qu’une saison ;
Mais la richesse console
De la perte des appas,
Et si la fraîcheur s’envole
Les écus ne volent pas.
Je t’aime. Es-tu libre encore
De disposer de ton cœur ?
Eh quoi ? ton front se colore
D’une pudique rougeur;
Crois-tu qu’une châtelaine
Ne peut aimer un vilain?
Bref, au bout de la semaine
Sylvain était châtelain.
Ce dénouement semble étrange,
Il ne l’est guère pourtant:
En ce monde rien ne change
Plus tôt le cœur que l’argent.
“La Fortune de Sylvain”
- Paul Stevens, 1830 – 1881