Un Atome liquide, une humble Goutte d’eau.
(Humble ? non : ma fable le prouve,
Et l’orgueil en tout lieu se trouve.
Même sans doute en mon étroit cerveau.)
Donc une Goutte d’eau, dans l’Océan perdue,
Se disait : quel malheur de se voir méconnue !
Je vis cachée au sein des mers ;
Pour moi, que les flots sont amers !
Que cette existence commune,
Et sans gloire m’est importune.
Au gré de l’injuste fortune,
J’erre en tout lieu dans l’univers.
D’un sort aussi fatal, à bon droit je m’irrite ;
Moi qui pourrais briller de mon propre mérite,
Refléter seul à part les rayons du soleil,
Ou, perle, reposer au calice vermeil
Du lis si pur et de la rose.
Or, pendant qu’elle rêve à sa métamorphose,
Survient un doux zéphir, il soulève, il dépose
La Goutte d’eau, précisément
Sur un chèvre-feuille grimpant.
Après s’être à longs traits de parfums enivrée,
Elle veut briller au soleil,
Dans les airs elle s’évapore.
Heureux d’un sort obscur qui se plaît à jouir ;
On se perd aisément en voulant éblouir.
“La Goutte d’Eau”