La Goutte et l’Araignée, analyses et commentaires de MNS Guillon – 1803.
- La Goutte et l’Araignée.
(1) Quand l’Enfer eut produit la Goutte et l’Araignée. On se prête aisément à la fiction que la Goutte est fille de l’Enfer ; mais l’Araignée, pourquoi lui donner une origine aussi odieuse? A travers ces formes ingrates dont s’offense notre délicatesse, les anciens avoient lu mieux que nous l’histoire de sa naissance. Ils supposaient qu’elle avait été, sous le nom d’Arachné, une jeune et belle artiste, brodeuse excellente, ayant assez de confiance dans ses talents pour oser défier Minerve elle-même. Un chef-d’œuvre nouveau venait d’éclore sous ses doigts. La superbe déesse s’en vengea, en changeant sa rivale en Araignée : mais en lui ôtant sa première forme , elle n’a pu lui enlever son talent. L’Araignée est encore tout ce qu’elle, fut avant sa métamorphose, active, laborieuse, économe, sensible aux attraits de l’harmonie: on l’a vu s’associer aux concerts de plus d’un Orphée solitaire . Ah ! si nos injustes dégoûts l’ éloignent de nos maisons, laissons-la du moins Habiter en paix nos cachots. Souvent les malheureux n’y trouvèrent qu’une Araignée pour compagne et pour amie !
(2) Ces cases. Loge, cellule, du latin casa, qui a passé dans l’italien, l’espagnol, etc.
(3) L’Aragne pour Araignée, du grec Arachné, d’où la fable a tissu sa métamorphose d’ Arachné en Araignée. Villon avait dit Iraignée (p. 8.). La langue française est donc aussi immobile que les mœurs de ses habitants.
(4) De ces gens nommés Médecins. Les mêmes dont il va dire :
Les gens n’ont point de honte De faire aller le mal toujours de mal en pis. Les deux écrivains les plus originaux du siècle de Louis XIV, Molière et La Fontaine, offrent, parmi tant d’autres rapports, celui de n’avoir pas aimé les médecins : mais voyez comme cette prévention prend la teinte de leur caractère! Dans Molière, c’est un stylet sans cesse aiguisé, sans cesse en action ; dans La Fontaine, c’est une main légère qui pince en badinant : alors même qu’il paraît sortir de son caractère, on ne peut s’empêcher de s’écrier : le bonhomme ! ?
(5) Y plante le piquet. S’y établit comme fait le soldat qui, pour camper, dresse sa tente sur les piquets ou épieux qu’il a plantés en terre.
(6) Orteil. Doigt du pied.
(7) Bestion. Insecte, diminutif de bête, qui s’écrivait Beste.
(8) Fouir, houer. Vieux mots encore en usage dans l’agriculture :
cultiver la terre, la vigne. Villon a dit :
Se vous les eussiez veu fouir.
( 2ème. Part. Franck. Repites , p. 37)