Tout le long d’un étang, certain bœuf cheminait,
Broyant, sous ses pieds lourds, joncs, roseaux en grand nombre :
Une grenouille en ces lieux se tenait ;
Elle aperçoit une ombre
Gigantesque, qui lentement
Semble se diriger vers elle,
Faisant trembler, jusqu’en son fondement,
Tout l’humide séjour… « Qu’est-ce ?… une bagatelle,
Comment ! d’un bœuf j’ai pu craindre l’accueil ?
Fi donc !… » Et puis s’enflant d’orgueil,
Vite elle saute à sa rencontre :
Au colosse, de plus, osant se comparer,
Elle dit à son fils : « Il faut que je te montre
Qu’avec un bœuf je puis me mesurer. »
Son fils répond : « Mère, restez sous l’onde,
Ne soyez, en plein jour, sottement toute ronde,
Sinon, vous crèverez.
Et jamais ne vaincrez
Le géant qui ne songe guère
A votre attaque téméraire. »
Grenouille sans tarder,
S’écrie : « Enfant, veuille me regarder. »
Pour lors, se ballonnant, elle se lève
Et subitement crève.
Avis aux orgueilleux,
Qui, loin d’être géants, ne sont que nains fangeux.
“La Grenouille et le Boeuf”