Abel Fabre
Abbé, instituteur et fabuliste XIXº – La jeune Flore et la Paysanne
A cet âge ignorant où, ne songeant à rien,
On possède avec l’innocence
La grâce et la candeur, doux trésor de l’enfance,
Flore était jeune et belle, et le savait très-bien.
Et comment l’ignorer, quand la folle jeunesse,
Les parents, les miroirs le répètent sans cesse ,
Lui promettant joie et bonheur?
Aussi le compliment, tant fût-il ridicule,
Eclatait sur son front et tombait dans son cœur
Plein de parfum et de douceur.
Fille jolie est si crédule!
Le bon sens, à la fin, triomphe sans retour.
Dans le village passe, un jour,
Une jeune et belle fermière
Sans parure, et pourtant admirée en tous lieux.
Les curieux , rassemblés derrière elle,
Vont décriant : O Dieu ! comme elle est belle !
Au même instant, baissant les yeux,
Flore sent rougir son visage,
Rentre dans sa maison, moins altière et plus sage.
Vante la modestie et marche sous sa loi.
il n’est si bon miroir que plus belle que soi.
Abel Fabre