A certaine linotte un jour on enleva
Le précieux trésor qui tenait enfermée
Sa tendresse avec sa couvée :
Une perfide main avait fait ce coup-là,
C’était le premier fruit d’un heureux hyménée ;
C’était sa richesse et son bien ;
C’était tout. Jugez donc combien fut affligée
Cette bonne mère à qui rien
N’était plus cher que sa nichée.
Elle va conter son malheur
Dans tout le voisinage. On la plaint, mais qu’y faire ?
Il vous faut consoler, lui dit-on, vos petits
Sont peut-être en bon lieu, bien choyés, bien nourris,
— S’ils vivaient seulement ! répond la tendre mère.
— Ah ! croyez que les dieux en auront eu pitié.
Croyez que de leurs jours le fil si délié
N’a point senti la main de la Parque cruelle.
— Eh ! quand cela serait, dit-elle,
Quand la main du trépas les aurait respectés,
Leur perte pour mon cœur en est-elle moins dure ?
D’un autre ils prennent la pâture ;
Par un autre ils sont caressés ;
Un autre a le plaisir de les voir à toute heure ;
J’en suis seule privée ; il faudra que j’en meure.
— Mais si l’on a pour eux des soins vifs, empressés,
— On n’en aura jamais assez.
Cet autre, est-ce une mère attentive, zélée.
Sachant ce qui leur faut, et ce qui leur nuirait ?
Cette main qui, sous eux, arrange le duvet.
Par l’amour est-elle guidée ? »
Pour ceux qui lui doivent le jour
Tels sont les soucis d’une mère !
Sa tendresse est jalouse, inquiète, sincère ;
C’est le chef-d’œuvre de l’amour.
“La Linotte”