Pierre Simard
Poète et fabuliste contemporain – La louve et le jambon
Tenant de sa mère une recette de jambon
et suivant la méthode et la manière,
une louve, par ailleurs bonne cuisinière,
se mit comme à l’habitude à la cuisson.
Mais avant, saisissant un long couteau,
elle en enleva une tranche légère
qu’elle retira et jeta par derrière,
répétant ainsi leur tradition d’être cuistot.
Un jour, ce fut à elle de transmettre,
elle enseigna donc à sa fille quoi faire,
sûre et certaine d’être en la matière
la meilleur cuisinière de jambon champêtre.
Hors, la chose n’alla pas comme prévu,
l’apprentie osa une question à sa mère :
Pourquoi donc enlever et jeter par derrière
un morceau qui ferait une part de plus ?
Parce que c’est ainsi qu’on fait la chose,
et que je tiens cela de ma mère
qui elle-même le tient de la sienne;
en comprendre la raison et la cause,
ne pourrait que donner un goût amer,
à notre tradition de jambon à l’ancienne.
Non satisfaite, elle partit à pas de loup
voir mère-grand et lui en parla,
ce à quoi, celle-ci lui répéta
que d’enlever la tranche donnait du goût.
Comme la réponse ne lui allait pas non plus,
elle alla voir l’aïeule, la première,
celle qui de la curieuse cuisson inventa la manière,
souriant de la chose, elle lui raconta et elle sut.
Ma manière vient de l’obligation,
car lorsque mon chasseur de mari
ramenait pour la cuisson un jambon,
chaque fois, mon chaudron était trop petit.
Quant à savoir pourquoi les autres le font,
je n’en ai aucune idée. De la chose, rions !
Qu’importe la tradition,
avant de lui donner raison,
il faut savoir lui poser des questions
en usant d’intelligence et de raison.
Pierre Simard