Certaine louve fort âgée,
Qui n’avait plus que quelques dents,
Pour vivre se vit obligée
D’avoir recours à ses enfants.
— Mes amis, leur dit-elle, une affreuse misère
Accable votre pauvre mère.
Sachez que, depuis près d’un mois,
Infirme, n’osant plus me risquer hors du bois
Pour chercher dans les champs comme vous ma pâture,
Je n’ai pour toute nourriture
Que des limaces, des mulots
Qui très souvent me font vomir de répugnance.
Aussi n’ai-je, voyez, que la peau sur les os.
Vous qui, déjà grands loups, vivez dans l’abondance,
Vous qui vous régalez de poulets et d’agneaux,
Vous qu’avec tant de soins, avec tant de tendresse,
Je nourris, j’élevai, ne m’abandonnez pas,
Veuillez dès aujourd’hui pourvoir à mes repas :
J’ai faim, je tombe de faiblesse.
— Mère, veuillez attendre et tranquillisez-vous,
Répondirent les jeunes loups,
Nous allons sur le champ pour vous nous mettre en chasse.
Une heure après, un gros mouton fut pris
Et mangé jusqu’aux os par ces infâmes fils.
La pauvre mère en eut seulement la carcasse.
Dans le taillis le lendemain
On la trouva morte de faim.
“La louve et ses Enfants”