Au fond charbonneux de l’âtre,
Une marmite cuisait
La bonne soupe du pâtre
Sur la flamme qui luisait
Une bûche enflammée disait à la soupière :
“Rien ne vous sert, ma mie, de faire ainsi la fière !
Votre carcasse épaisse et votre double fond
Vous protègent du feu, des braises, des brandons !
Vous me narguez de vos grimaces,
Vous vous croyez bien coriace !
Attendez un instant que j’accroisse mon feu,
Que j’attise ma braise et que je flambe un peu.
Vous aurez d’ici peu en votre fondement
Un vrai brasier d’enfer qui vous fondra les flancs !
Vous sourirez bien moins dans un petit moment,
Et je vais, mon amie, vous chauffer jusqu’à blanc.”
Ainsi parlait la bûche à la pauvre soupière…
Celle-ci, se sentant à son heure dernière
Soupira : “Mon amie, écoutez-moi un peu !
Croyez-moi, je vous prie, si je vous fais un vœu.
Laissez-moi mijoter et cuire mon potage,
Je ne vous nargue pas, ce n’est pas un outrage,
Je fais seulement mon ouvrage !
De plus, si m’en croyez, réfrénez votre ardeur !
Fondre mon fondement vous serait grosse erreur.
Réfléchissez un peu. Mon fondement se perce ?
La soupe que je cuis se transforme en averse,
Vous tombe en plein dessus, vous submerge et vous noie.
Et vous serez occis, du coup, tout comme moi !
Il y aura deux morts inutiles et bêtes.
Faisons notre travail du mieux que nous pouvons
Sans colère, sans prétention
Et sans qu’un vain orgueil nous monte dans la tête !
Cohabitons sans guerroyer
Nous avons tous à y gagner.
“La marmite et la bûche”