Lasse de promener sur les faibles humains
Sa faulx terrible, inévitable ,
La mort voulut un jour, devenant plus traitable,
La déposer en d’autres mains.
Mais il fallait choisir un ministre fidèle ,
Connu déjà par son rare talent ;
Et la mort résolut d’assembler auprès d’elle ,
Tous ceux qui prétendaient à ce poste éminent ;
Dès-lors on vit venir, des bornes de la terre ,
Ces maux dont le nom seul fait frissonner d’horreur :
Sous l’escorte des cris, du deuil , de la misère ,
Parut d’abord la peste , au souffle destructeur ;
On aperçut après l’effrayante étisie,
Triste , maigre , à l’œil cave, au regard douloureux,
Tous ceux qui, sous ses coups., avaient perdu la vie
Formaient son cortège nombreux.
Dans un galant costume , arriva d’une course ,
Mais, boiteux , pâle et décharné ,
Ce mal qui, du plaisir., empoisonne la source,
Et qui, dit-on , en Amérique est né.
D’un ton libre et léger, d’une manière exquise ,
Il fit à la française un gracieux salut….
Mais de long-temps, je n’atteindrais le but,
Si de vous signaler, je formais l’entreprise ,
Tous ceux dont ce beau jour éclaira le début.
Déjà , tous attendaient dans un profond silence,
De la déesse , les décrets,
Lorsque , portant ses yeux sur cette foule immense ,
La mort, avec douleur , s’aperçut de l’absence,
Du plus chéri de ses sujets.
Faisant entendre alors sa voix faible et tremblante ,
Il est trop vrai, dit-elle, on ne peut en douter ,
Le mérite est modeste , et voudrait éviter
Les titres , les honneurs que ma main lui présente.
Mais de l’art médical, je sais les résultats :
En vain et la peste et la guerre
Cherchent à dépeupler la terre,
Sans lui je serais seule en mes vastes étals ;
Je le déclare donc : avec obéissance ,
Soumettez-vous à son moindre signal ;
Au médecin, je cède ma puissance ;
Il sera désormais ministre principal !
0 vous! qui pratiquez, d’un art bien salutaire,
Et les préceptes et les lois,
Ne vous mettez point en colère ;
Sous cette enveloppe légère ,
Nous parlons seulement des docteurs d’autrefois.
Car , de vous la vérité pure ,
C’est que , par le plus heureux sort,
Bien loin d’être pour nous ministres de la mort
Vous êtes ceux de la nature.
“La Mort et le Médecin”