Une nymphe était occupée
A ramasser des fleurs sur les gazons nouveaux.
Un fleuve en fut épris : Venez, belle napée,
Lui dit-il, régnez sur mes eaux.
Vos attraits tout divins méritent cet hommage.
Laissez là votre source ; agréez que l’amour
Vous offre un plus brillant séjour.
Mille fleurs bordent mon rivage :
Mon sable est d’or, comme celui du Tage.
Je bois à pleine coupe un nectar pur et doux ;
Et du Gange jusques à l’Ebre,
Aucun fleuve n’est plus célèbre.
Rien ne manque à mes vœux que d’être aimé de vous.
Richesse, éclat, sont une amorce :
Pour résister à leurs appas,
La belle aurait manqué de force,
Quand un ruisseau lui dit tout bas :
Nymphe, ne vous y fiez pas,
Rien n’est plus inconstant que ces superbes fleuves ;
Ecoutez celui-ci, vous en aurez des preuves :
Il reçoit dans son lit des nymphes tous les jours ;
Pour les surprendre, il cherche maints détours;.
Ses ondes vous seront fatales ;
Vous y trouverez cent rivales.
Daignez favoriser mes vœux :
Je n’ai pas tant de renommée,
Mais je suis plus fidèle, et vous serez aimée ;
Seule vous recevrez mes vœux.
Mon onde est sans détour, elle est douce, elle est pure,
Naïve image de mon cœur.
Ah ! tarissent mes eaux si je deviens parjure !
Car je suis un ruisseau d’honneur.
La jeune nymphe, alors, un peu rêveuse.
Du ruisseau devint amoureuse.
Et n’écouta plus son rival.
Elle eut raison : pour être heureuse,
Il faut s’unir à son égal.
“La napée, le fleuve et le ruisseau”