Une nymphe, jeune et candide,
Avec l’Amour badinait dans un bois :
L’enfant perfide,
De son carquois,
Tire, à la dérobée.
Une flèche, et la lance à la nymphe effrayée,
En la visant au cœur.
Mais, par bonheur,
Elle évite le trait, et, toute courroucée,
Le relève aussitôt et le lance à son tour
Droit au cœur de l’Amour.
Le coup porte et lui fait une large blessure ;
L’Amour pleure, il gémit sur le mal qu’il endure ;
Ses plaintes et ses cris
Vont jusqu’à l’Empyrée
Troubler Vénus : près de son fils.
Elle accourt désolée.
Et , de sa main, veut étancher Je sang
Dans l’eau d’une claire fontaine.
Hélas ! inutile est la peine :
Rien ne peut soulager la douleur de l’enfant !
Vénus voit cependant
La nymphe, dans le bois cachée,
Qui regardait à travers la feuillée.
Et souriait
Du mal qu’elle avait fait !
L’Amour se désespère ;
Le sang coule toujours ;
Alors, à son secours,
La tendre mère
Mande les médecins : il en vint, d’un seul coup.
Quatre ! c’était beaucoup.
Chacun d’eux met sur la blessure
Un baume spécial,
Et, foi de médecin, il jure
Qu’il est propre à guérir le mal.
Si ma mémoire est sûre.
De ces baumes les noms
Étaient mépris, colère, haine
Et vengeance ! Mais l’inhumaine,
La nymphe aux cheveux blonds.
Sans paraître inquiète.
Et souriant toujours, voyait, de sa retraite,
Les docteurs, au fils de Vénus,
Prodiguer leurs soins superflus.
Chaque remède
Qui se succède
Ne fait qu’irriter la douleur.
Paraît enfin un cinquième docteur :
Celui-là, dans son sac, prend certain spécifique
Et gravement l’applique
Sur le cœur de l’Amour : la nymphe, cette fois
Ne sourit plus : de dépit, de colère.
Elle pâlit et fuit au fond des bois.
Le baume salutaire
Produit un effet tout-puissant ;
Par sa vertu suprême
Il guérit la blessure et rend, à l’instant même.
Le bonheur à la mère et le calme à l’enfant !
Mais, de ce baume bienfaisant,
Et de sa magique influence,
Quel était donc, me dira-t-on,
Le nom ?
Il s’appelait l’indifférence !
Adrien-Théodore Benoît-Champy