Alexis Rousset
Poète et fabuliste XVIIIº – La Sagesse, l’Homme et l’Amour
La Sagesse fit la rencontre
D’un homme dont l’aspect lui montre
Tous les indices du honneur.
Elle put lire dans un cœur
Où semblait déborder l’ivresse.
— D’où te vient, lui dit la déesse,
Ce bonheur qu’on remarque en toi ? —
— J’ai reçu, dit l’homme, chez moi,
La personne la plus aimable…
Un hôte distingué, gracieux, plein d’esprit.
Rien fait, mettant du charme au moindre mot qu’il dit.
Quels yeux divins ! quel air ! quel regard ineffable !
C’est un être inappréciable.
Et maintenant, je vous le dis,
Ma maison est un paradis. —
— Et le nom de ce personnage? —
— Je crois qu’il s’appelle l’Amour.
Mais il est beau comme le jour. —
— Ah ! j’y suis. Mon ami, sois sage :
Ton hôte est fort aimable , on ne peut le nier :
Mais ne livre pas tout entier
Ton cœur à cet être volage.
Il te quittera, sois-en sûr,
Pour mettre bientôt à sa place
Un personnage au cœur de glace,
Ou bien un autre au souffle impur…
Hé! tiens, mon pauvre ami, regarde,
Il sort déjà de ta maison. —
— Vous dites vrai. Que Dieu me garde! —
— Et voilà, comme de raison,
Que chez toi vient l’Indifférence. —
— Ah! mon Dieu, quelle différence ! —
— Tu dois remercier les dieux :
Un être encor plus odieux
Pouvait traîner chez toi la plus horrible chaîne.—
— Le nom de cet être? — La Haine.
Alexis Rousset, La Sagesse, l’Homme et l’Amour