Peuple perturbateur, fatale nation ,
Taupes ! maudite soit votre race infernale,
Qui ne se plaît qu’à la destruction,
Et qui, du fond de son obscur dédale
Porte chez les humains la désolation l
O Jupiter ! regarde, je te prie,
En quel état est ma prairie !
Et cependant ces gazons et ces fleurs
Etaient, tu le sais bien, le fruit de mes sueurs.
Adieu, mon cher troupeau, ma pauvre laiterie !
Ainsi parlait Colas, quand , du fond de son trou ,
Une taupe lui dit ; Mais vous êtes donc fou,
De tenir un discours aussi peu raisonnable !
Des taupes La famille antique et vénérable
A de tout temps exploité ce terrain ;
Et votre race impitoyable
Vient tout bouleverser, dans l’unique dessein
De rendre un peuple misérable.
Feu satisfait encor de nous contrarier,
Vous venez nous injurier !
— Oh ! oh ! dit le manant, en voici bien d’une autre !
Vous verrez que ce pré ne sera point le nôtre,
Que Guillaume à mon père, à beaux deniers comptants,
Ne l’aura pas vendu, depuis plus de trente ans !
Au reste le contrat est là, chez le notaire,
Chez monsieur Bonnefoi…— Bah ! qu’avons-nous affaire,
Dit la taupe, de vos contrats
Qu’un jour dévoreront nos confrères les rats ?
Notre notaire à nous, c’est la nature,
Qui prépara jadis en ces heureux climats
Et notre domicile et notre nourriture.
Je perds ici mon temps en discours superflus ;
Adieu , ne me dérangez plus.
“La Taupe et le Paysan”