La Taupe est aveugle, dit-on :
Et je consens volontiers à le croire,
Si je ne l’admettois comme un bon trait d’Histoire,
Mon Conte paroitroit moins bon.
Admettre ainsi les faits que l’on trouve à sa guise,
Est un petit tour qu’autorise
L’usage qu’en a fait maint Auteur d’un grand Nom.
La Taupe donc qui ne voit goute
Avec quelques Aiglons un beau jour se trouva.
Ils parloient du Soleil, de sa brillante route,
Des changeantes couleurs de la céleste voute,
Du vif émail des Prés… Quoi donc ? Taupe s’en va ?
Restez Commère. Soit. Un moment elle écoute ;
Mais elle baille en écoutant :
Et tout à coup se rebutant,
La voila qui s’enfuit sous terre,
En marmotant
Que les Aiglons sans-doute ont bon bec, bonne serre,
Mais qu’en fait de discours sur des sujets nouveaux,
Ils font assurément de pauvres Animaux.
Rencontrant même sur la brune
Quelques Chauve-Souris avec quelques Hiboux,
Elle en parle à leur Troupe : Et d’une voix commune ;
Les Amis du Soleil sont tous
Traités de Fous.
C’est ainsi que souvent un Critique stupide.
Qui de l’aimable Vérité
N’a jamais connu la clarté
Traite d’impertinent, d’étrange, d’insipide,
Maint discours à-bon-droit par mille autres vanté,
Et trouve même quelque Clique
Où d’une voix commune il est complimenté
Sur sa Critique.
“La Taupe et les Aiglons”