L’aigle fut une fois prié par la tortue
De lui montrer comment dans l’air on peut voler ;
Celui-ci répondit : à parcourir la nue
Les dieux jamais n’ont pu vous appeler ;
Croyez-moi, ma bonne commère ,
Heureuse d’aller terre-à-terre ,
Craignez de trop vous élever.
La tortue assez mécontente ,
Et ne redoutant point une chute pesante ,
Soutint qu’elle pourrait aisément tout braver.
La saisissant donc dans ses serres,
Le noble oiseau de Jupiter,
Dans le brillant séjour qu’habitent les tonnerres ,
S’empressa de la transporter.
Mais elle était à peine parvenue
Dans ces hauts lieux qu’un dieu puissant orna ;
Sur tant d’éclat à peine elle portait la vue,
Qu’à ses tristes destins l’aigle l’abandonna ;
Alors à découvert elle vit sa misère ;
Et ne trouvant où s’accrocher,
Elle tomba sur un rocher
Et se brisa comme du verre.
Ne dédaignez point les avis
Des hommes prudents, raisonnables :
Pour ne les avoir pas strictement suivis ,
Que de gens ont péri souffrants et misérables.
“La Tortue et l’Aigle”