Une Tortue, aux bords de l’Orénoque,
Pondait ses œufs dans le sable brûlant,
Pas assez chaud pour les cuire à la coque,
Mais juste à point pour faire éclore à temps
De Tortuaux toute une ribambelle.
Elle croyait déjà les voir courir,
Sortis de l’œuf et grouillant autour d’elle,
Et souriait à ce doux avenir.
Un Caïman allongé sur le sable
D’un air gracieux lui fit son compliment,
Guettant d’un œil le moment favorable
Pour se payer un déjeuner friand.
« Oh ! des œufs frais ! cela fait mon affaire :
Le noir que j’ai croqué me laisse un poids
Sur l’estomac depuis la nuit dernière :
Je le prendrai plus tendre une autre fois ! »
Quand, au bout d’un mois, madame Tortue
Revint pour chercher ses petits enfants,
Elle ne trouva que la terre nue,
Et le Caïman qui, l’apercevant,
Se mit à pleurer sur le sort néfaste
De la pauvre mère, en la consolant,
Tandis que tout bas il grommelait : « Baste !
Les œufs, le matin, c’est rafraîchissant ! »
De faux dehors, le méchant,
Très souvent s’habille,
Méfiez-vous, mes enfants,
Des pleurs du Crocodile.
“La Tortue et le Caïman”