C’est un grand bien que le talent,
quand on y joint la modestie ;
mais tous les éclairs du génie
ne valent pas un sentiment.
Un tourtereau tendre & fidèle,
du destin rigoureux avoit subi les loix ;
de ses gémissemens, de sa peine cruelle,
nuit & jour sa compagne entretenoit les bois ;
les échos attendris répondoient à sa voix ;
& mille oiseaux le regrettoient comme elle.
Qui l’eût pensé ? la seule Philomèle
ose insulter à son malheur.
N’entendrai-je, dit-elle, au fond de ce bocage ;
que de lugubres chants formés par la douleur,
contraster avec mon ramage ?
Tu te plains d’un triste veuvage,
& moi je chante le bonheur.
Tu distrais en ces lieux la nature attentive
aux doux accords de mes accens ;
ils sont si tendres, si touchans
qu’ils suspendent le cours de l’onde fugitive,
A ma voix tout renaît, j’embellis tous les lieux ;
sur mon aile en nos champs je porte le Zéphire ;
Flore après mon retour soupire :
jusqu’à l’oiseau chéri de la reine des Dieux,
tout me porte envie, & m’admire.
En propos aussi vains, bien loin de s’exprimer,
la tourterelle humble & naïve,
lui répond d’une voix plaintive :
je chante mal, mais je sais bien aimer.
“La Tourterelle et le Rossignol”