Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Aux premiers rayons du matin ,
L’utile Abeille au travail adonnée,
Se mît à butiner les trésors d’un jardin.
Elle aperçut la Chenille obstinée
A ronger le sein d’une fleur
Qui nous charme par son odeur,
Et qui jadis, pour plaire à Dionée,
Du beau sang d’Adonis colora sa blancheur.
D’une telle audace indignée,
« Quoi ! dit-elle, tu ne crains pas, »
Bête méchante et venimeuse , »
De ravager, de flétrir les appas »
De cette fleur délicieuse? »
« Voilà les mets qu’il faut à mon tempérament ,
Reprit l’insecte impudemment; »
Au gré de mou instinct, comme toi j’en dispose ; »
Tu fais du miel avec la rose , »
Et moi j’en forme du venin. »
Il faut obéir au destin.
O vous , que nos divers critiques
Assourdissent de leurs arrêts,
Public , voilà comment, selon les satyriques ,
Le même ouvrage peut être bon ou mauvais.
« L’Abeille et la Chenille »
Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau, 1773 – 1830