Une de ces. divinités
A la mode du jour, dont la Bourse est le temple,
Qu’aux montres des changeurs l’infortune contemple,
Dont les types par Law nous furent apportés,
Dont les journaux payés célèbrent la louange
Et dont les prêtres patentés
Sont les agents de change,
Une Action enfin, au fond d’une cassette
Logeait près d’une Pièce d’or.
— Que je te plains, pauvre piécette !
Disait la superbe Action
D’un bel air de protection.
Vois mon heureuse destinée :
Mon prix, grâce au progrès, va sans cesse augmentant,
Et je compte à peine une année.
Toi, plus vieille que moi, tu ne vaux pas pourtant
Un centime de plus qu’au jour de ta naissance.
— C’est vrai, répondit l’Or ; mais ne me plains pas tant.
Quelle que soit aujourd’hui ta puissance,
Je ne changerais pas mon sort contre le tien.
Ma valeur est réelle et la tienne est factice :
La Fortune peut, d’un caprice,
En un jour te réduire à rien. —
Comme, à peine ils avaient fini cet entretien,
La maison tout à coup, de flammes entourée,
S’écroule avec fracas par le feu dévorée.
Offrant à l’incendie un facile aliment,
L’Action finit tristement
Et par aucun secours ne put être sauvée ;
Tandis que, loin d’avoir rien perdu de son prix,
Mais plus belle qu’avant, au milieu des débris,
La Pièce d’or fut retrouvée.
C’est ainsi que dans le malheur
Bientôt succombe un cœur vulgaire,
Quand la môme épreuve, au contraire,
Grandit encore un noble cœur.
“L’Action et la Pièce d’Or”