Delaunay
Poète et fabuliste XVIIº – L’Acteur et l’Écolier
Un écolier avait, dans un spectacle,
Goûté par-dessus tout un acteur renommé,
Qui se croyait lui-même un prodige, un miracle,
S’estimant beaucoup plus qu’il n’était estimé.
Notre jeune homme en était si charmé,
Qu’il donnait à l’acteur le mérite et la gloire
Des vers, des sentiments, récités par mémoire ;
En un mot, il croyait l’histrion un héros ;
C’était assurément bien croire ;
Voilà comme toujours nous donnons dans le faux.
Notre écolier opiniâtre
Dans son erreur, dans ses désirs,
Epargne quelque temps sur ses menus plaisirs,
De quoi traiter un jour l’acteur qu’il idolâtre.
Il l’invite à dîner ; le monarque s’y rend,
Mais qu’il fut trouvé différent !
Soit qu’il raisonne, ou qu’il folâtre,
Ce roi n’avait plus rien ni de fin, ni de grand,
Il n’était plus sur son théâtre.
L’écolier en rougit… Combien est-il d’objets
Qu’il ne faut jamais voir de près !
On rirait bien souvent de plus d’un personnage
Si l’on voyait ses propres traits ;
Le masque heureusement est pris pour le visage.
Delaunay