Une mouche (qui le croirait?)
Osa concevoir le projet
De s’élever jusqu’à ces hautes sphères
Dont Newton et Lagrange ont trahi les mystères.
A l’aigle elle eut recours pour faire le trajet.
Sans employer dans sa supplique
Les tours usés de notre rhétorique,
Elle pria le souverain des airs
De la porter au séjour des éclairs.
Qu’entends-je? dit le porte-foudre,
Tant d’orgueil peut-il se trouver
Dans un atome, un grain de poudre?
Si je… je ne puis achever
Tant je m’indigne à cet excès d’audace.
— Les grands qui savent vivre accueillent mieux les gens,
Tu me parais peu fait pour occuper ta place.
Sais-tu pas que les rois doivent être indulgents
S’ils veulent faire aimer leur race?
Je ne suis qu’une mouche, un atome à ton prix
Eh bien! malgré ton bec, tes serres,
Et ton haut rang et tes chimères,
Je saurai bien te suivre au céleste pourpris.
Là-dessus notre aéronaute,
Prenant au vol l’oiseau de Jupiter,
Sur lui s’élance, et, côte à cote,
Fend avec lui les régions de l’air.
Pour s’échapper de la route commune,
Il faut oser, dans quelque rang qu’on soit.
Qui trop calcule et trop prévoit
N’est pas l’ami de la fortune.
“L’Aigle et la Mouche”