Le monarque régnant sur la gent à plumage
Voulut choisir un précepteur
A son fils, bel aiglon, déjà de certain âge.
Les plus habiles du bocage,
Devant Sa Majesté disputant cet honneur,
La pie en ce concours remporta l’avantage.
« Je possède, dit-elle, et sais même par cœur
Les sept arts et bien davantage.
Le grand Albert, qu’on vante au plus lointain rivage,
Soit dit sans vanité, car je suis humble et sage,
N’eût été près de moi qu’un petit écolier. »
Et pour prouver son dire avec plus d’étalage,
Elle récita maint passage.
Cet oiseau, chez un savetier,
Avoit été jadis en cage.
De ce qu’on apprend jeune on se souvient longtemps.
Là de jurer à tous instants
Il avoit fait l’apprentissage.
Dans ses expressions de soldatesque usage,
L’aigle fit à la pie une admonition.
« Devant mon fils, dit-il, ne tiens plus ce langage,
Et mets à t’observer un peu d’attention. »
Mais à lui voler son fromage
Le jour suivant il la surprit.
« Oh ! pour le coup, tu m’outres de dépit.
Toi, les sept arts, sans plus attendre,
Sortez tous de ma cour, ou je vous ferai pendre.
De qui n’a point de mœurs je méprise l’esprit. »
“L’Aigle et la Pie”