comtesse de Beaufort d’Hautpoul
Poétesse et fabuliste XVIIIº – L’aigle et l’assemblée des animaux
Des Animaux, l’un de l’autre envieux,
Le murmure importun s’élevait jusqu’aux cieux.
Lassé des clameurs de la terre,
Jupin jeta sur elle un regard mécontent,
Et l’Aigle fut chargé d’y porter à l’instant
Les volontés du dieu qui lance le tonnerre.
L’Aigle obéit, et, déployant son vol,
De ce petit espace atteint bientôt le sol.
Il convoque toutes les bêtes
De la terre, des eaux, et des plaines de l’air,
A venir porter leurs requêtes
Au messager de Jupiter.
— Ah ! dit le chien courant, si je me plains sans cesse
» J’en ai le droit; voyez sur quels nerfs vigoureux
» Ce lévrier assure sa vitesse ;
« Plus léger que les vents, aussi rapide qu’eux,
» Il poursuit sans fatigue et devance sa proie.
» Le lévrier répond : — Si du limier ingrat
» Jupiter m’eût donné le subtil odorat,
» Je ne connaîtrais que la joie. »
L’esprit fin du renard eut le vœu du lion;
Le coq voulut les ailes du pigeon ,
Et le pigeon du coq envia le courage.
— Pourquoi, dit alors un saumon,
« Nous tenir sous les eaux loin du gras pâturage
» Où s’ébat la génisse et bondit le mouton ?
» Enfin un éléphant ( et ces faits sont notoires ),
De ce même poisson demanda les nageoires.
— Oui, Jupiter exaucera les vœux,
« Dit l’Aigle à la troupe rebelle,
» De qui voudra quitter sa forme naturelle,
« Pour devenir l’objet dont il est envieux. »
Cet arrêt trouva bouche close.
A l’entière métamorphose
Nul animal ne put se décider :
Chacun voulait d’un autre obtenir quelque chose,
Mais à condition de ne lui rien céder.
Anne-Marie de Beaufort d’Hautpoul,, L’aigle et l’assemblée des animaux