Ne dites pas, enfants, comme d’autres ont dit :
« Dieu ne me connaît pas, car je suis trop petit ;
Dans sa création ma faiblesse me noie;
II voit trop d’univers pour que son œil me voie. »
L’aigle de la montagne un jour dit au soleil :
« Pourquoi luire plus bas que ce sommet vermeil?
A quoi sen d’éclairer ces prés, ces gorges sombres.
De salir tes rayons sur l’herbe dans des ombres ?
La mousse imperceptible est indigne de toi!
— Oiseau, dit le soleil, viens et monte avec moi!
L’aigle avec le rayon s’élevant dans la nue,
Vit la montagne fondre et baisser à sa vue,
Et quand il eut atteint son horizon nouveau,
A son œil confondu tout parut de niveau.
« Eh bien! dit le soleil, tu vois, oiseau superbe,
Si, pour moi, la montagne est plus haute que l’herbe?
Rien n’est grand ni petit devant mes yeux géants :
La goutte d’eau me peint comme ces océans :
De tout ce qui me voit je suis l’astre et la vie.
Comme Le cèdre allier, Pherbe me glorifie;
J’y chaude la fourmi; des nuits j’y bois les pleurs;
Mon rayon s’y parfume en traînant sur les fleurs! »
Et c’est ainsi que Dieu, qui seul est sa mesure,
D’un œil pour tous égal voit toute sa nature!…
Chers enfants, bénissez, si votre cœur comprend,
Cet œil qui voit l’insecte et pour qui tout est grand!
“L’Aigle et le Soleil”