Dans les sous-bois, deux champignons s’entretiennent :
“Pourquoi vous entêtez-vous à vous exhiber
Sous une apparence qu’on peine à accepter.
Vous êtes seule, plus personne ne vous touche,
Tout le monde vous a fui et même les mouches.”
“Il y a bien longtemps que j’ai compris la Nature,
Je n’en attends vraiment plus rien, soyez-en sûre.
C’est plutôt vous qui, en croyant être entourée,
Etes la plus aveugle sur vos amitiés.
Je vous explique : moi, on va me voir de suite,
Que l’on sache ou pas que je suis une amanite
On se méfiera d’emblée de ma personne.
Car la Raison qui s’unira à la Prudence
Dira que quand on se montre avec insistance
La valeur et les intentions ne sont pas bonnes.
Je ne serai donc aucunement inquiétée !
Mais vous qu’on ne verra pas au premier coup d’oeil,
Vous qui vous mettez dans la terre ou sous les feuilles,
Votre cachette fera votre déchéance.
Car on dira que si vous êtes reservée,
Prête à vous cacher pour pouvoir être acceptée,
C’est que sur vous on peut avoir de l’influence.
A partir de là, vous serez bien tourmentée.
Ainsi commencera votre pire cauchemar :
On se rapprochera de vous pour vous choyer
Afin d’obtenir confiance et naïveté !
Une fois manipulée, on vous utilisera
Mais, croyez-moi, cela ne leur suffira pas !
On vous fera parler et on vous fera faire
Plein de choses pour vous tirer du nez les vers !
On vous sourira, on vous offrira des fleurs
Pour savoir où sont dissimulées vos soeurs !
Et quand de vous, ce que l’on veut, on l’aura eu,
On n’hésitera pas à vous bouffer toute crue !
J’arbore donc bien haut mon chapeau et mes couleurs,
N’en déplaise à tous ceux qui se croiraient mailleurs.
Car les gens francs sont toujours décriés faux-jetons
Par tous ceux qui cachent leurs réelles intentions !
Alors s’il faut, pour être considérée, baisser son froc,
Ce que pensent les autres, sachez que je m’en moque !
Bravez la morale et osez donc la provoc’
Seuls les hypocrites se parent avec du toc !”
Emmanuel FRONTCZAK