Moi, profane, je veux mettre Ésope en défaut,
Et lui prouver, —j’en fais bien excuse au grand homme —
Qu’Aliboron, pour âne qu’on le nomme,
Sut quelquefois aux gens répondre comme il faut.
Parlons un peu de tes oreilles,
Disait le Bouc à l’Âne : Ami, qu’en penses-tu ?
Au fils de notre maître on en met de pareilles,
Quand le marmot se prend à faire le têtu…
Et de ta barbe, Ami, que te semble à toi-même ?
Lui repart le Grison : notre maître est, ma foi,
Tout aussi bouc, par la barbe, que toi,
Et m’est avis, pourtant, que le vieux Polyphème,
A cela près, n’est pas moins enfant que son fils…
Assez rire : ce n’est la barbe ni l’oreille,
Qui fait ou ne fait point les plus justes esprits ;
Et des animaux la merveille,
Ami, crois-moi, même l’homme compris,
C’est, non le mieux tourné, mais bien le mieux appris.
Cet Âne parlait d’or : sans la règle ennemie,
Pour siéger au fauteuil où l’esprit fait les Rois,
Un pareil Âne aurait ma voix ;
Mais, il n’entra jamais d’Âne à l’Académie.
“L’Âne et le Bouc”