La campagne déjà se couvrait de verdure,
Et déjà les ruisseaux, naguère impétueux,
Rentrés dans leur lit tortueux
Avaient repris leur doux murmure.
C’était au mois de mai, sur le déclin du jour,
A l’heure où le zéphir répandait dans la plaine
Le parfum de sa tiède haleine.
De leurs feux amoureux célébrant le retour,
De jeunes rossignols, sous un épais bocage,
De leur harmonieux ramage
Charmaient les échos d’alentour.
Un âne, qui non loin paissait dans la prairie,
A cette douce mélodie
Lève sa lourde tête, et, d’un œil détracteur
Avisant le bosquet, fait mouvoir sa mâchoire
Et retentir les airs d’une affreuse clameur,
S’imaginant avoir remporté la victoire
En voyant s’envoler soudain
Des chantres du printemps la troupe épouvantée.
— Ah ! j’étais, se dit-il, à l’avance certain
Que de ces grands faiseurs la voix, par trop vantée,
Ne pourrait lutter un instant
Avec mon mâle et noble chant.
Ainsi le sot bavard, dont la large poitrine
Ne fait entendre que du son,
Parle très haut et s’imagine
Que, criant le plus fort, il doit avoir raison.
“L’Âne et les Rossignols”