Brûlé par les rayons d’un soleil exécrable,
Roué de coups, buttant à chaque pas,
Un âne s’indignait de son sort misérable,
Et d’un malheur qui ne se lassait pas.
Sur son dos criblé de blessures,
Le bât faisait de rouges meurtrissures.
Il souffrait de la soif, il souffrait de la faim.
Pas un ami dans son chemin.
Pourtant, il avait l’âme tendre;
Comme un autre, il eût su comprendre
L’amour charmant ou la douce amitié.
Mais il n’avait, en héritage,
Recueilli, pour tout avantage,
Que les propos railleurs et la “froide pitié.
« À quoi bon, disait-il, cette longue torture?
Maudit le jour où je suis né!
Un être plus infortuné
Ne se trouverait pas dans l’immense Nature. »
Comme il disait ces mots, il aperçoit soudain
De rouges fruits dans une haie,
Affreux poison, trépas certain…
Mais la mort n’a rien qui l’effraye,
C’est le salut, si c’est la fin.
Il y porte la dent, il chancelle, il succombe…
Mais, poursuivi par un funeste sort,
Il n’eut pas la paix dans la tombe,
Ni le silence dans la mort.
Comme il gisait, carcasse infime,
Sur la grande route étendu ;
Un passant s’écria : « Mais c’est vraiment un crime
Que de laisser ce bien perdu! »
Voilà la peau du sire aussitôt emportée.
Avec art elle est apprêtée,
Un rond de cuivre en fait le tour :
C’est un tambour.
Et la pauvre dépouille usée,
Victime d’un destin jaloux,
Soir et matin martyrisée,
Gémit et pleure sous les coups.
” L’Ane “