Un arbre aux vastes rameaux
Regardait d’un œil d’envie
Un papillon des plus beaux
Folâtrant dans la prairie.
— Viens, ô joli petit roi
De la phalange fleurie,
Lui dit-il ; viens près de moi.
Des fleurs la tendre corolle,
Lorsque le jour aura fui,
Contre les fureurs d’Éole
Serait un bien frêle appui.
Gracieuses sur leurs tiges
Sont ces fleurs où tu voltiges ;
Mais Nature, en ses prodiges,
T’a fait plus charmant encor.
De la rose amant volage,
Viens, et mon épais feuillage
Garantira de l’orage
Tes ailes d’azur et d’or. —
Cédant à ce doux langage
Le papillon accourut
Et, sur l’écorce, pour gage,
Pondit ses œufs ; puis mourut.
Mais quand la feuille nouvelle
Revint avec le zéphyr,
On vit, en même temps qu’elle,
Du sein de ces œufs sortir
Et sur les branches courir
Des innombrables familles
De dévorantes chenilles,
Hideuses larves, par qui
Tout fut rongé sans merci.
Vains furent regrets et plainte,
Et l’arbre puissant et fort,
Se tordant sous cette étreinte
Y trouva bientôt la mort.
Est-il besoin que je nomme
De ce drame chaque acteur ?
Cet arbre puissant, c’est l’homme ;
Et l’insecte séducteur,
C’est le plaisir, bien frivole,
Ce plaisir vers qui l’on vole,
Qu’on appelle avec ardeur,
Mais qui bientôt prend la fuite,
En nous laissant à sa suite
Tous les vices dans le cœur.
“L’Arbre et le Papillon”