Un pauvre auteur, de qui les longs ouvrages,
N’avoient pas, du public, mérité les suffrages,
Se vit réduit à la nécessité,
De garder les moutons pour vivre.
Ce métier, même, à sa difficulté,
Aussi bien que celui de faire un mauvais livre.
Le voilà donc qui conduit son troupeau
Au milieu d’une vaste plaine,
Près d’un bled verdoyant & beau.
Il court, il crie à perdre haleine,
Pour empêcher la gent qui porte laine,
D’entrer dans le bled nouveau.
Un mouton lui dit : pauvre gruë ,
Laisse brouter cette herbe superfluë,
Afin que les épis en deviennent plus gros.
Ce mouton citoit, à propos,
Ce qu’il avoit entendu dire ;
Et l’homme voyant que ces mots,
De ses écrits diffus, contenoient la satire,
Que ne suis-je mouton, dit-il, pour mon repos !
Et si cet animal un jour devoit m’instruire,
Que n’ai-je été berger, du moins avant d’écrire !
“L’Auteur devenu Berger”
René Alexandre de Culant 1718 – 1799