Un Raphaël d’enseigne & de plancher,
En tous lieux prétendait trancher
Du Corrège & du Michel-Ange.
Prodigue de censure, avare de louange,
Aux Zeuxis de son temps, dans leurs meilleurs tableaux,
Il s’attachait sans cesse à trouver des défauts.
La seule antiquité méritait son suffrage.
Quand on critique tant son âge,
C’est qu’à coup sûr on lui déplaît ;
On a toujours quelqu’intérêt
A vanter qui nous rend hommage ;
Quiconque eût entendu notre Ignare effronté
Marquer d’un ton d’autorité
A chacun son degré de gloire,
Eût pensé qu’il était commis par la Mémoire
Pour assigner les rangs de l’Immortalité.
A la fin, pour le faire taire,
Il avint qu’un de ses amis,
Soi-disant tel, mais qui ne l’était guère,
Car c’était son Confrère,
Malicieusement lui donna cet avis :
Vous raisonnez si bien, dit-il, sur la Peinture,
On admire à tel point votre docte censure,
Que le Public s’attend que si votre pinceau
Lui voulait, par bonté, tracer quelque morceau,
Vous couleriez à fond les folles balivernes
Que donnent tous les jours ces faquins de Modernes.
Notre Docteur le crut, un sot est toujours vain :
Et bientôt son chef-d œuvre est parti de sa main ;
La Pièce en Public exposée,
Elle excita par-tout une telle risée,
Que le plat Barbouilleur, interdit & confus,
Abjura la peinture, & ne critiqua plus.
Ceci s’adresse à vous, prétendus Aristarques,
Qui vous croyez des Arts les Juges, les Monarques ;
Le Français né railleur, pour vous est prévenu
Tant que vous décriez les Ouvrages des autres ;
Mais votre crédit est perdu,
Si-tôt que vous montrez les vôtres.
“Le Barbouilleur”