Les animaux devaient tous comparaître
À la cour de sire lion. Un bélier fit cette réflexion :
Je risque tout si je me fais connaître ;
Car notre monarque, dit-on,
Mange tous les jours un mouton.
Ses courtisans d’ailleurs sont gens que je redoute.
Habillons-nous en loup : j’en trouve ici la peau :
L’expédient me paraît beau. »
Cela fait, il se met en route.
Il rencontre un vrai loup en mouton travesti :
Déguisement a la cour ordinaire.
Du monarque ce loup redoutait la colère :
Il chassait sur sa terre. On l’avait averti
Qu’on pourrait bien lui faire un très mauvais parti.
Sous un surtout pareil il était difficile
De ne s’y pas tromper. Le bélier s’y méprit :
Courtisan neuf et malhabile,
De croire que lui seul avait changé d’habit.
«Ami, dit-il au loup, quelle est ton imprudence!
Quoi, tu vas te montrer ainsi devant le roi !
Sais-tu qu’il est friand de gens faits comme toi?
Je te fais une confidence :
Je suis mouton aussi ; mon surnom est Robin ;
Mais pour me reconnaître il faut être bien fin.
Tu l’avoueras, je suis grand maître en l’art de feindre.
— Il est vrai, dit le loup ; et tu n’as rien à craindre
De messire lion : n’en prends point de souci ;
Tu ne le verras point ; car je te croque ici. »
Si le déguisement peut être salutaire,
Il faut encor savoir se taire.
“Le Bélier et le Loup”