Sur les bords de la Seine, un jour,
Un beau jeune homme, égaré par l’amour,
Pour en finir avec le monde,
De l’œil, sans peur, mesure l’onde.
Il va se noyer, quand soudain,
Il entend une voix… ni d’homme, ni de bête ;
Vite, il tourne la tête,
Et cherche… c’est en vain !
Il écoute, et la voix répète :
« Ô le beau jeune homme ! quels traits !
Quelles grâces et quels attraits !
Pour être taillé de la sorte,
Je ferais, le diable m’emporte… »
Le jeune homme surpris
Des éloges et du mystère,
Cherche, puis trouve, en un taillis,
Un nain couché sur la fougère ;
À ses deux bosses près, noble était son maintien.
— Mortel parfait, dit-il, ton corps me fait envie ;
Tu possèdes le plus grand bien !
— Quoi ! vraiment ? Je n’en savais rien !
J’allais me priver de la vie…
— Insensé ! vois, regarde, ouvre les yeux,
Et juge, en me plaignant, si ton sort est heureux !
— Cette Leçon est bonne, oui ! — Quel homme apprécie
Le vrai bonheur ? celui qui souffre, hélas !
L’homme heureux n’est pas sage,
De ce dont il jouit connaît peu l’avantage ;
Si d’un bien il fait quelque cas,
C’est du seul qu’il n’a pas ! »
“Le bel Homme et le Nain”