Les animaux vivaient en république :
Etait-ce pour eux l’âge d’or ?
Que répondrai-je? un non serait trop laconique.
La liberté sans doute est un trésor;
Pourtant le pouvoir monarchique,
Qu’il ne faut pas confondre avec le despotique,
A Montesquieu semble meilleur ;
Mais sur ce point de politique,
Laissons déraisonner plus d’un législateur.
Occupons-nous de notre affaire;
Il s’agit d’un forfait, tel que l’on n’en voit guère,
Du moins parmi les animaux :
Un dogue (passe encor si c’était la panthère!)
Venait de mettre à mort son frère.
Grande rumeur par-tout ! la race des patauds
Pour toujours est déshonorée.
Le peuple, avec acharnement,
Sur le coupable chien appelle un châtiment.
La cause est d’abord déférée
Au conseil du gouvernement ;
Mais qui chargera-t-il de cette procédure?
Sans doute un animal de poids
Dont l’attitude ferme et sûre
Donne plus de puissance aux lois.
L’ours fut l’objet de maint suffrage ;
D’autres penchaient pour le lion.
A la fin notre aréopage
Arrêta son opinion
Sur un bélier fort honnête et fort sage.
Installé dans son tribunal,
Non sans gémir, le juge débonnaire
Contre Caïn-Pataud lança l’arrêt fatal
Qui marquait son heure dernière.
Au choix que fît le sénat animal
J’applaudis fort : qu’un code soit sévère
Pour mieux protéger l’innocent!
Mais moins le juge est sanguinaire,
Plus le supplice du méchant
De terreur frappe le vulgaire.
“Le Bélier nommé juge par le Sénat des Animaux”