Un cerf vivait en prince, et d’immenses futaies,
Et de riches taillis,
Composaient son domaine environné de haies ;
C’était l’ornement du pays.
Ce cerf vint à mourir. Un ours eut la tutelle
Du jeune faon, bel et noble orphelin.
Il fit serment d’être à l’honneur fidèle,
Et de garder les bois de tout mauvais voisin.
Le bœuf, juge de paix dans le canton agreste,
Promit aussi de le bien seconder ;
Et des gardes nombreux devaient au reste
Arrêter les quidams qui viendraient marauder.
Il n’en fut rien, et la justice,
Là comme ailleurs, fit très-mal son office.
Tous les délits, bien constatés,
Et les délinquants arrêtés,
Le juge, désireux de rester populaire,
Ne voulait pas, en faisant son devoir,
Des maraudeurs se faire mal vouloir.
Il trouvait donc moyen d’arranger leur affaire ;
Et malgré son greffier il les renvoyait tous,
Les uns comme excusés, les autres comme absous.
Il est plus d’un canton où les propriétaires
Ont toujours tort contre les prolétaires ;
Et tel juge de paix, pareil à notre bœuf,
Dans sa frayeur de déplaire à la foule,
S’il s’agit du larcin d’un œuf,
Au voleur bien souvent adjuge encor la poule.
“Le Boeuf juge de paix”