Baron de Ladoucette
Homme politique, poète et fabuliste XVIIIº – Le Bouvreuil
Lycas surprend et porte à sa Glicère
Un jeune oiseau
Si vif, si beau,
Qu’il advient au berger deux baisers pour salaire.
Lycas, pour deux baisers, je crois,
Aurait dépeuplé tous les bois.
— Glicère dit : Mettons notre petit volage
En cage ;
Donnons-lui des biscuits et du sucre à foison,
Pour lui faire aimer sa prison.
Mais sans la liberté tout palais est prison.
Aussi sa porte, un jour n’étant qu’à demi-close,
Par un secret instinct près d’elle s’agitant,
Notre oiseau va la becquetant,
Tant qu’il la pousse, l’ouvre et loin d’elle s’expose.
Ulysse, en fuyant Calypso,
Fut moins joyeux que notre oiseau.
Son regard fier se promène à la ronde :
« Il n’est donc plus pour moi de grilles dans le monde !
J’erre à mon gré dans ses beaux lieux :
La fortune protège un cœur audacieux. »
De notre chant ailé tel était le langage,
Lorsqu’un bouvreuil le voit, le cajole, lui plaît,
Et les nouveaux amis, à peu près du même âge,
Volent de compagnie au fond de la forêt.
Mais donne-t-il au moins un regret à Glicère.
L’ingrat ? Non, pas un seul. Trop crédule bergère,
Par un charme toujours nouveau,
Tu veux en vain fixer les infidèles ;
Crains aussi ton Lycas : l’amant, comme l’oiseau,
Pour t’échapper aura des ailes.
Jean-Charles-François de Ladoucette – Le Bouvreuil