Le bruit des Arbres battus d’un vent impétueux épouvanta tellement les Lièvres, qu’ils se mirent tous à fuir avec vitesse, sans savoir où ils allaient dans leur fuite. Ils trouvèrent un Marais qui les empêcha de passer outre. Les Grenouilles saisies de crainte s’y précipitèrent incontinent pour se cacher. Au moment que la peur allait faire jeter les Lièvres dans l’Étang, l’un des plus vieux de la troupe les arrêta, en leur représentant qu’ils avaient pris l’alarme mal à propos, à cause du bruit du vent et des feuilles.
” Nous ne sommes pas les seuls qui craignions, continua-t-il, puisque nous avons fait peur aux Grenouilles.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Lièvre et les Grenouilles
Saisis d’une frayeur qui leur causait la fièvre,
Les lièvres se jetant dans une mare tous,
Aux grenouilles font peur ; Courage, dit un lièvre,
Il est des animaux plus timides que nous.
Fiers de porter la peur aux bords du marécage,
Les lièvres rassurés se crurent du courage.
D’un plus poltron que soi, qu’un poltron soit vainqueur,
Le Thersite, en tremblant se croit homme de coeur.
- Isaac de Benserade – (1612 – 1691)
Le Lièvre et les Grenouilles
Un Lièvre en son gîte songeait
(Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) ;
Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
” Les gens de naturel peureux
Sont, disait−il, bien malheureux :
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite.
Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers.
Voilà comme je vis : cette crainte maudite
M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
− Corrigez−vous, dira quelque sage cervelle.
Et la peur se corrige−t−elle ?
Je crois même qu’en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi. ”
Ainsi raisonnait notre Lièvre,
Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet ;
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.
Le mélancolique Animal,
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit : ce lui fut un signal
Pour s’enfuir devers sa tanière.
Il s’en alla passer sur le bord d’un étang :
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
” Oh ! dit−il, j’en fais faire autant
Qu’on m’en fait faire ! ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l’alarme au camp !
Et d’où me vient cette vaillance ?
Comment ! des animaux qui tremblent devant moi !
Je suis donc un foudre de guerre ?
Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre,
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. ”
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)